Etude biblique : La Genèse
Introduction
La Genèse, le commencement du monde.
Premier livre du Pentateuque (mot grec signifiant " cinq rouleaux " ou " volume quintuple "). " Genèse " (" Origine, Naissance ") se trouve le nom donné au premier livre de cette série par la Septante. En revanche, son titre en hébreu, בראשית Beréʼshith (au commencement, ou encore en tête), lui vient du premier mot de la phrase d'introduction. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le livre "Genèse" ne fut pas écrit avant les autres documents de la Bible. Il apparaîtrait même rédigé relativement tardivement par rapport aux autres textes. Et pourtant, il est situé tout au début de l'Ancien Testament.
À l'époque de sa rédaction, on ne se soucie pas de dire comment le monde fut créé, mais de donner un sens à la vie humaine
Une confession de foi
Ce texte fut écrit au moment de l'exil babylonien, une période particulièrement douloureuse pour le peuple hébreu. Or, en ces temps difficiles, parler d'une divinité créatrice, c'est évoquer un Dieu capable de faire surgir la vie là où demeure le chaos. Ce pourquoi, c'est une confession de foi extraordinaire.
Le mythe de la Genèse
En Occident, la première chose que l'on pense (à tort) en général d'un mythe c'est qu'il procède d'une histoire fausse et qu'il n'a aucun rapport avec la réalité. Or, un mythe reste quelque chose qui rejoint quelque part une réalité qui apparaît de tout temps. L'histoire est historique le mythe est intemporel. Le mythe de la Genèse ressaisit quelque chose des racines mêmes de l'humanité.
À l'époque de sa rédaction, on ne se soucie pas de dire comment le monde fut créé, mais de donner un sens à la vie humaine. Vers quoi orienter notre vie ? Quelle est sa finalité ? On trouve un écho de la Genèse dans le livre de l'Apocalypse.
Texte millénaire, la Genèse, et plus particulièrement ses onze premiers chapitres, fait partie de l'imaginaire collectif - de la création du monde à la tour de Babel en passant par l'Eden d'Adam et Eve, le déluge ou encore l'arche de Noé.
Les onze premiers chapitres de la Genèse s'inscrivent dans un contexte géographique et historique clairement mésopotamien, première civilisation de l'argile à laquelle on doit des récits fabuleux et antérieurs à ceux de la Bible. l'Épopée de Gilgamesh notamment, qui raconte, bien avant les Hébreux, le déluge et l'histoire de Noé. Les auteurs de la Bible se sont donc nourris d'une tradition ancienne qu'ils se sont appropriée pour proposer un texte riche en intertextualité et en symboliques.
Quelles sont les principales interprétations du livre de la Genèse ?
On ne rencontre pas 3 formes d'interprétations comme on peut le lire fréquemment, mais 4 approches majeures : « littérale », « concordiste », « littéraire » et « midrashique » ou hébraïque, et cette dernière figure souvent ignorée du monde chrétien.
La méthode littérale (ou littéraliste) que personnellement j'appelle « démarche évangélique » fait du sens au premier degré, la signification qu'on pense figurer celle voulue par l'auteur, qui ne peut-être que Moïse lui-même. Dès lors les six jours de la création correspondraient à six jours de 24 heures, etc..
L'approche dite « concordiste » signifie que l'on cherche à harmoniser/accorder les données du texte avec la science d'aujourd'hui. Ainsi, les six jours correspondraient à des périodes cosmologiques et géologiques et Adam serait un personnage historique que l'on peut situer dans le temps.
L'approche « littéraire » et « contextuelle » tient compte à la fois du genre littéraire du texte et du contexte socioculturel des destinataires pour déterminer l'intention du texte. Il s'agit donc d'une approche plus historique et scientifique du texte.
L'approche midrashique : Le midrash caractérise le mieux la littérature rabbinique. Ce n'est pas un mode de pensée insolite et énigmatique, voire subtile ; c'est une exégèse créatrice. Il constitue, par excellence, la catégorie juive de l'interprétation. Cette approche des textes demeure nouvelle pour la plupart des chrétiens, et il apparaît difficile pour eux d'entrer seuls dans ce genre d'interprétations. Cette interprétation s'adresse à un public connaissant déjà bien d'une part le judaïsme, et d'autre part si possible un peu l'hébreu auxquels l'on a besoin souvent de recourir pour bien comprendre la pensée rabbinique.
Quelle interprétation adopter ?
Dans les grandes lignes, nous effectuons l'effort de nous replacer dans le contexte des premiers lecteurs pour tenter de comprendre le texte comme eux l'ont compris, selon leurs référents et préoccupations à eux, non pas les nôtres. Nous privilégions donc une méthode littéraire de ces textes. Mais nous ne négligerons pas l'approche midrashique qui apporte un sans « caché » et une meilleure compréhension des récits bibliques. La méthode littéraire nous rapproche du contexte et du texte, la méthode du midrash nous permet de remmener le texte à notre temps.
Quel est le problème avec l'interprétation « littérale » ?
Le problème c'est que l'interprétation littérale se soucie peu de savoir si le contexte littéraire ou historique a une incidence sur la manière d'interpréter le texte. Le texte apparaît comme une révélation intemporelle et désincarnée. Or, si la Bible se trouve une parole divine, elle demeure tout autant une parole humaine. Le contexte et le style littéraire apparaissent très importants pour déterminer l'intention originelle du rédacteur et les préoccupations qu'il veut adresser. Cette méthode d'interprétation appliquée à la Genèse conduit à un conflit avec les données de la science moderne. Elle demande de faire abstraction de la raison et ne développe pas la spiritualité. Elle reste une lecture religieuse et dogmatique.
Quel est le problème avec l'interprétation « concordiste » ?
Le concordisme a lui aussi quelques difficultés à assumer la pleine humanité de la Bible. Il conçoit que Dieu s'est révélé à des cultures anciennes, mais cherche quand même à harmoniser les données de la Bible avec la science actuelle, même si cela ne fut aucunement la préoccupation des auteurs. Cela revient à lire le texte à partir de nos préoccupations modernes, et en ramenant le texte à nous avec nos connaissances scientifiques modernes pour ne pas froisser notre raison. L'on a besoin sans cesse revoir les interprétations du texte au fil des progrès de la science.
Quel est l'avantage d'une approche littéraire ?
L'approche littéraire permet au moins de sortir du dilemme de savoir qui a raison entre la science et la Bible. Les vérités scientifiques peuvent changer, les certitudes théologiques et spirituelles aussi. La théologie évolue avec la sociologie. Peut-on affirmer qu'il existe des vérités théologiques du texte qui permettent de comprendre Dieu, le monde et l'humanité ? Si oui elles restent partielles. Si elles enseignent, « qui » est à l'origine de tout, en ce qui concerne le « pourquoi » Dieu a créé le monde, elles restent silencieuses. Trouve-t-on quelle signification et quel sens nous pouvons donner à notre existence ?
Quelle est la particularité de cette approche, encore peu connue dans les milieux évangéliques ?
C'est surtout de tenir compte du genre littéraire et du contexte socioculturel pour saisir les vérités de foi et de vie que Dieu veut communiquer à son peuple par les textes sacrés. Selon cette approche, la Bible n'est pas une révélation « intemporelle » qui viendrait répondre directement à nos préoccupations modernes (de type historique et scientifique). Si elle figure parole de Dieu, elle est une révélation « contextuelle » qui répond premièrement aux préoccupations des premiers destinataires.
Ainsi donc, considérant la construction littéraire des premiers chapitres de la Genèse (hymne didactique, récit narratif adaptant le style du « mythe »), considérant leur vision prés-cientifique du monde, considérant que les vérités théologiques et les vérités scientifiques apparaissent de deux ordres différents. Mais celles-ci ne sauraient être l'une comme l'autre ni éternelle ni inerrant, elles restent contingentes et changeantes. Je pense qu'il reste possible de considérer ensemble et en harmonie, la Bible et la science et de sortir de l'impasse actuelle dans laquelle l'Église évangélique d'aujourd'hui s'enlise. Le midrash qu'en à lui est un commentaire rabbinique de la Bible, qui diffère radicalement d'une interprétation littérale des textes.
Qu'est-ce que le midrash ?
Ce terme vient de l'hébreu דרשה drsh, qui signifie « rechercher », « examiner ». Il s'agit d'une méthode d'exégèse et d'interprétation élaborée par des rabbins pour aller au-delà du sens littéral et même littéraire du texte biblique et en dégager le sens profond. Au début du Moyen Âge, le midrash se divise en deux branches : le midrash halakha (qui reprend l'enseignement dispensé dans les académies et a une portée plutôt juridique) et le midrash haggada (élaboré à partir des sermons des synagogues, de portée plus morale).
Car, au-delà de la législation, les rabbins s'attachent à forger l'âme du peuple juif et développent toute une littérature faite de maximes, de légendes et d'enjolivement du récit biblique. Si dans le judaïsme les haggadot n'ont pas la même autorité que la halakha, ils l'influencent et sont d'une grande richesse spirituelle. Mais le midrash constitue tout de même une analyse de texte rigoureuse. Les rabbins, qui connaissaient le texte biblique par cœur et considéraient son unité comme fondamentale, « avaient dressé des listes d'apparition de chaque mot qui leur permettaient d'établir des concordances entre les différentes apparitions de ces mots, mais également des événements, des thèmes... », explique le site de formation au judaïsme Akadem. Cette littérature, qui s'étend depuis la chute du second Temple (70 après Jésus-Christ) jusqu'au XIV siècle, influence aussi le christianisme et l'islam, le Coran rapportant des récits bibliques dérivés du midrash.
Quelle est la spécificité du midrash halakha ?
Le midrash halakha porte sur les textes législatifs du Pentateuque (la Torah) dont il scrute les versets, voire les termes, afin de préciser la loi (halakha) et « les règles applicables dans la pratique rituelle que la Bible n'exprime pas en toutes lettres », expliquent Jacob Newman et Gabriel Sivan.
Quatre recueils de midrash halakha sont généralement recensés. La Mekhilta se rapporte au texte de l'Exode. Le Sifra concerne le livre du Lévitique. Deux recueils portent le nom de Sifré, et ils sont consacrés l'un au Deutéronome, l'autre au livre des Nombres. Mais il n'existe pas de littérature du midrash halakha concernant le livre de la Genèse.
Quelle est la spécificité du midrash haggada ?
De manière générale, le midrash a recours beaucoup plus au domaine de la haggada (domaine narratif) que de la halakha (domaine légal). Ce qui fait que son style se trouve parfois qualifié « d'improvisation poétique ». Pour comprendre les haggadot, « il faut penser à l'élément de jeu et de licence poétique qui intervient chez un narrateur, créateur ou artiste », d'après l'Encyclopedia Judaica. Le rabbin utiliserait le texte comme prétexte à « un discours édifiant ou apologétique, en choisissant la forme propre à surprendre et à capter l'attention de l'auditoire ».
Selon le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme (Cerf), « les sages ne considéraient pas seulement la Bible comme un récit de la Révélation divine dans le passé, mais comme un texte s'adressant aux hommes du temps présent avec leurs interrogations et leurs préoccupations ». C'est donc une interprétation permettant d'actualiser les textes bibliques qui apparaît proposés par les rédacteurs du midrash haggada. Pour eux, chaque verset peut être interprété indépendamment de son contexte. On va donc bien au delà de l'interprétation littéraire. Le midrash permet aussi de « combler les vides » parfois laissés par le texte biblique, et permet d'aller outre les contradictions. « Par exemple, après le récit du combat et de la victoire d'Abraham sur les cinq rois (Genèse 14), il est dit en Genèse 15 qu'après ces événements la parole divine s'adressa à Abraham dans une vision, en ces termes : "Ne crains pas, Abraham..."Le midrash se demande pourquoi Abraham avait peur. Et il répond : "Abraham se demandait, inquiet : et s'il y avait eu un homme juste parmi ceux que j'ai frappés". » Le principal recueil du midrash haggada est le midrash rabba.
Quelle est l'influence du midrash sur la littérature chrétienne ?
Le midrash porte sur les livres du Pentateuque - les cinq premiers livres de la Bible chrétienne, de la Genèse au Deutéronome, dans l'Ancien Testament. Pour le père Michel Remaud, « les "Écritures" citées par le Nouveau Testament étaient des Écritures déjà interprétées : les targoum (paraphrase populaire de la Bible hébraïque en araméen, NDLR) et le midrash sont des maillons indispensables de la dynamique qui va de l'Ancien au Nouveau Testament ». Le midrash permet ainsi de mieux comprendre l'arrière-plan littéraire non seulement de l'Ancien Testament, mais aussi du Nouveau.
« Si le principe même de la possibilité d'un éclairage des textes évangéliques par les traditions rabbiniques n'est guère mis en doute, le style particulier du midrash, généralement déroutant pour le lecteur chrétien, constitue pour certains un obstacle difficile à surmonter, écrit par ailleurs le père Remaud. Cette difficulté ne doit pas masquer au lecteur l'intérêt de tels rapprochements. Les Évangiles, on ne saurait trop le rappeler, ne sont pleinement intelligibles que s'ils sont mis en référence avec leur milieu d'origine. »
Pour pouvoir comprendre l'Ancien Testament, il est nécessaire de passer par la culture juive de l'époque pour lire la Bible comme les rédacteurs du Nouveau Testament la lisait.